Tenter de cerner Les Elles (fondé en 1992, le groupe originaire de Caen est dirigé par la chanteuse, auteur, compositeur et actrice Pascaline Hervéet) en quelques lignes, relève de la gageure pour zapping hystérique.
Envisager de résumer le parcours audacieux d une troupe (comme on dit de théâtre) qui, en quinze ans et cinq albums, a beaucoup tenté de cerner le désir féminin, et l irruption de l étrange dans le quotidien, est afférent à une vaste plaisanterie. Et résumer Joseph qui n est pas un simple sixième disque, mais un spectacle, aussi, où croisent courtepointe léopard et caf conc de l entre deux guerres (des sexes) une bravade un peu puérile.
Alors, soyons humble, et détaillons : Les Elles déroulent des sonorités non convenues, des feulements de trompette, perles de vibraphone, et larges lampées d orgue, en décor glauque d une sensualité féminine du non-dit, et du déséquilibre, ici mise en forme par Phil Delire (qu on a pu apprécier aux côtés de Noir Désir, ou Alain Bashung, mais cela n a pas grand rapport). Et Joseph est cette histoire étrange d un être mi-homme, mi-femme, peu convenable (et dans laquelle les sexes qui se frottent ont une odeur, ce qui n est pas politiquement correct), un voyage de montagnes russes où l auditeur/spectateur oscillera en permanence entre plaisir et répulsion, amusement et effroi (à l instar de la magnifique illustration de livret, offerte par l humble pape de l hyperréalisme Angelo Di Marco).
On nous demande de penser à l univers de David Lynch : on a raison. Car Pascaline Hervéet visitant tout en pudeurs déchirées le « Il venait d avoir dix-huit ans » de Dalida devient alors l incontestable petite s ur de Dennis Hopper, effondré dans le karaoké d un refrain romanesque de Roy Orbison (Blue Velvet).
Quelque part entre complaintes du cinéma néo-réaliste italien, chansons artisanales à la française, pulsion du rock et entêtement de l electro, se niche l étrange croisement des plaisirs de la marge. Là, sont Les Elles.
Christian Larrède - Copyright 2013 Music Story
