Langue : Français
La musique s e prouve et se vit, et ne se laisse pas seulement analyser et com- prendre. Active, dominatrice, source en me me temps d une passivite unique, elle atteint des couches profondes qui dessinent le myste rieux domaine du pre -verbal, directement en prise sur le vivant du corps. A preuve son aptitude a induire imme diatement du mouvement, dilater l espace et donner une e nergie incomparable, ou encore suspendre le temps. La musique plus que tout autre art instruit sur le « sentir », pour autant qu on ne la cantonne pas a une autonomie ou a une purete qui l ampute du chanter et du danser, lesquels manifestent cette part irre ductible. Le sentir obe it a une autre logique que celle du sens et de la ve rite . C est un e tre-au-monde que les couplages traditionnels comme ceux de l e motion et de la raison, ou de l expression et de la forme, e chouent a cerner. Sa complexite , son maillage interne, sa structuration dynamique, plaident en faveur de notions qui trouvent dans ce contexte une teneur philosophique renouvele e, comme celles de rythme et de symbole, e galement d un art de narrer. L approche phe nome nologique, attentive au corps ve cu, et l orientation de la the orie critique soucieuse de toutes les formes de re ification, y compris de la perception et de ses gestes, sont conjointement mobilise es pour explorer le sentir a partir de la musique. Erwin Straus d une part, en son approche du pathique, Walter Benjamin et Theodor W. Adorno d autre part, sont les principaux acteurs de ce croisement. Celui-ci s ouvre a d autres penseurs, dont Andre Schaeffner et Susanne Langer. Le premier, a propos de l instrument de musique, la seconde a propos du symbole non-pre sentationnel, se montrent en effet particulie rement applique s a ne pas se parer l expe rience de la musique des processus corporels et physiologiques qui sont en jeu dans le rythme et dans l e coute.